Pierre de Villiers a été Major Général des Armées de 2010 à 2014, puis Chef d’étatmajor des Armées de 2014 à 2017. Grand officier de la Légion d’Honneur, Officier de l’ordre national du Mérite et Croix de la Valeur militaire avec une citation, le Général Pierre de Villiers a publié 4 ouvrages chez Fayard : « Servir » en 2017, « Qu’est-ce qu’un chef ? » en 2018, « L’équilibre est un courage » en 2020 et « Paroles d’honneur » en 2022.
Après de nombreuses fonctions militaires et un parcours hors norme au service de la France, il transmet désormais le fruit de ses expériences auprès de la jeunesse et des entrepreneurs, pour les aider à appréhender le monde complexe dans lequel nous vivons aujourd’hui. Voici les points principaux de sa prise de parole.
Depuis 2015, Pierre de Villiers fait le constat d’un monde sous tension. Le terrorisme radical opère désormais à l’échelle mondiale (3 à 5 attaques par jour dans le monde) et les états puissances se projettent sur des stratégies de long terme. Les migrations massives (1,3 milliard l’an dernier, 2,5 milliards à horizon 2050 dont la moitié auront moins de 25 ans) et le changement climatique s’ajoutent à ses pressions et font de notre monde un endroit désormais instable et dangereux.
Ces changements se sont exprimés depuis que le monde est passé de bipolaire à multipolaire. La chute du mur de Berlin en 1989 et les attentats du 11 septembre de New York ont rebattu les cartes. Depuis ces deux événements marquants, l’ONU, l’OTAN et l’Europe se sont trouvées en échec ou dans des impasses (Afghanistan, Ukraine plus récemment…). « On entre résolument dans une nouvelle ère, un Occident qui est contesté (…) et une fragmentation de l’ordre international extrêmement forte », a averti le général Thierry Burkhard en août dernier. Force est de constater que les BRICS+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Iran, Égypte, Émirats arabes unis et Éthiopie) forment un bloc anticolonisateur qui veut détruire l’ordre international occidental.
Et l’Occident, aligné derrière les États-Unis, n’est absolument pas prêt à faire la guerre.
La guerre est bien de retour, mais elle a changé de nature. Le titre « Vers la guerre ? » du dernier ouvrage de Sébastien Lecornu, notre ministre des Armées, est évocateur de ce constat. Jérôme Fouquet, au fil de ses ouvrages, dresse, lui aussi un portrait de la France urbaine, des cités et de la France rurale, de la montée communautariste, de la perte de notion du bien commun et de l’insécurité qui en découle. Ces crises multiples et simultanées nous plongent aujourd’hui dans une véritable crise civilisationnelle.
7 notions qui caractérisent les conflits contemporains
Le Durcissement : on fait la guerre comme on la faisait au Moyen-Âge, de façon extrêmement dure
Le Délai : nous vivons dans un monde de l’instantané, qui n’est pas propice au règlement des conflits, car il faut du temps pour trouver le chemin de la paix
La Dispersion : les armées françaises ont dû intervenir partout dans le monde ces dernières années et leurs modes d’action sont dispersés, compte tenu des moyens qui leur sont alloués
La Dissémination : aux sorties des conflits (Balkans, Libye…), les armes et munitions ont été disséminées et sont tombées aux mains de réseaux criminels que nous retrouvons chez nous
La Désinhibition : la guerre n’a plus d’éthique ni de règle, la convention de Genève n’a plus cours dans la plupart des conflits
La Digitalisation : depuis 2009, la guerre cyber est partout
La confiance : elle est la base de toute relation, c’est elle qui crée l’adhésion, la performance humaine et donc par voie de conséquence la performance économique. La confiance dissipe le doute (et le doute, c’est la défaite).
L’autorité : l’autorité est un équilibre entre l’humanité et la fermeté. L’autorité est une ligne de crête à la jonction de ces deux notions. Sa manifestation s’appuie sur 4 piliers qui sont la conception (on doit se doter d’une vision à suivre), la conviction (il faut être convaincu pour convaincre), la conduite (le cap ne doit pas changer, on reste sur le chemin fixé) et le contrôle (qui donne un retour d’expérience nécessaire pour améliorer les choses).
La stratégie : on a besoin de voir haut et loin, on a aussi besoin d’audace pour définir une stratégie. La maîtrise du temps est essentielle dans la conduite d’une stratégie, elle seule permet au leader de déléguer.
Le leadership : le leadership est un charisme, une façon de regarder les gens dans les yeux, une capacité à trancher.
La compétence : elle est essentielle et s’acquière avec le travail.
L’exemplarité : il faut toujours être au service de sa mission.
L’authenticité : être authentique est primordial dans une société de communication et de profusion d’éléments de langage.
L’optimisme : on ne suit pas un leader qui avance tête baissée, l’optimisme emmène les équipes.
L’humilité : un grand manager est un mendiant d’humilité, mettez des contre pouvoirs en place pour rester humble.
L’équilibre : entre la vie professionnelle et la vie personnelle, entre le corps, le cœur, l’esprit et l’intelligence. Gérer son agenda et conserver la maîtrise de soi sont primordiaux pour assurer l’équilibre.
Le courage : celui du quotidien, quand on se pousse à faire quelque chose que l’on n’a pas envie de faire, mais aussi le courage de décider, de s’engager au service du collectif et de ne pas subir. À ce titre, la lecture du Discours d’Harvard donné par Alexandre Soljenitsyne en 1978 reste édifiante et actuelle.
La loyauté : la vraie loyauté est de dire la vérité. En étant vrai, on est loyal.
L’humanité : pensez toujours à la personne humaine, cultivez la générosité et le pardon.
Enfin, gardez en tête que toute autorité est service et qu’il faut s’occuper des autres, et d’abord des plus faibles. Dans un monde de polémique et de violence, il faut s’unir. Et il faut espérer. Comme le disait Georges Bernanos « L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté. » Et il faut toujours se souvenir que France rime avec espérance.