Hervé Brethomeau : Merci de nous accueillir dans ce bel hôtel particulier de la rue Réaumur. Pouvez-vous nous dresser un portrait de votre organisation et des services dispensés par la Banque de France ?
Thierry Blot : La Banque de France a été créée en 1800, avec comme mission initiale d’émettre des billets payables à vue et au porteur. Depuis sa création, elle a accompagné le développement des entreprises en étroite collaboration avec les services de l’État. Elle est indépendante depuis 1993 pour la mise en œuvre de la politique monétaire. Aujourd’hui, notre implantation départementale nous permet de rester au plus près du quotidien des entrepreneurs et de l’activité économique du territoire.
Nos 3 missions principales sont d’assurer la stratégie monétaire du pays, de garantir sa stabilité financière et de prodiguer les services à l’économie et à la société, en lien avec nos métiers.
En matière de stratégie monétaire, nous veillons à la stabilité des prix en participant à la définition et à la mise en œuvre de la politique monétaire. La stabilité des prix conditionne les décisions d’investissement, elle est donc en lien direct avec notre développement économique. En assurant cette stabilité, on évite que la spéculation soit un critère central d’arbitrage pour les investisseurs.
Hervé Brethomeau : les médias font état d’une détérioration de la situation économique, d’une augmentation des défauts de paiement et de défaillances d’entreprises. La croissance faible et les perspectives incertaines freineraient les embauches et les investissements… Pouvez-vous nous confirmer ou nous infirmer ces points grâce à vos analyses sur le département de Charente-Maritime ?
Thierry Blot : L’activité économique est résiliente, mais la reprise attendue demeure en effet très progressive. Le contexte d’incertitude freine indiscutablement la consommation des ménages et l’investissement des entreprises. Le rythme des défaillances d’entreprise est revenu à son niveau d’avant COVID, même si les dernières données disponibles montrent une atténuation du rythme de hausse depuis 2 mois, et c’est d’ailleurs le cas en Charente-Maritime avec 591 défaillances sur 12 mois à fin septembre. Cependant, même si le contexte est compliqué, il y a aussi une excellente nouvelle : nous sommes en train de gagner la bataille de l’inflation au sein de la zone euro. Depuis 2022, elle a pesé de façon substantielle sur l’économie, en ralentissant la consommation et la production, et elle nous a obligés à agir via notamment la hausse forte et rapide des taux d’intérêt. L’inflation en zone euro est passée, en moyenne, de 8,4 % à fin 2022 à 5,4 % à fin 2023 et devrait s’établir à 2,5 % en 2024 et continuer à décroître autour de 2 % en 2025 et 2026. La France devrait même connaître, selon nos dernières prévisions, une inflation autour de 1,5 % en 2025. C’est un signe positif qui doit nous donner espoir et nous mobiliser pour l’avenir. La politique monétaire volontariste mise en œuvre s’appuie notamment, en France, sur les outils de pilotage et d’analyse de la Banque de France : diagnostics économiques en amont sur la base des statistiques collectées auprès des banques et des entreprises, enquêtes mensuelles de conjoncture (sur la Charente-Maritime, nous avons un panel de 80 entreprises que nous interrogeons chaque fin de mois), enquêtes sur les conditions de production, sur les impayés, sur les défaillances…
Nos équipes sont au plus près du terrain. Elles peuvent ainsi dresser une photographie réaliste qui a, par exemple, permis de faire évoluer la réglementation sur les PGE (Prêts garantis par l’État) accordés durant la crise COVID.
En cas de difficulté à rembourser ou obtenir des crédits bancaires, l’entreprise peut également faire appel à la Médiation du crédit, fonction que je porte avec mes collaborateurs. Sur les 10 premiers mois de 2024, une cinquantaine d’entreprises nous ont sollicité dont près d’un tiers pour une restructuration du PGE. En cas de difficulté de financement, nous invitons les chefs d’entreprise à anticiper et ne pas hésiter à nous saisir : la médiation du crédit a pour vocation d’accompagner la restructuration de la dette et joue, à ce titre, un rôle essentiel dans la sauvegarde de l’activité et des emplois.
Hervé Brethomeau : les entreprises font l’objet d’une cotation Banque de France, qui est un outil de référence pour attester de leur santé financière. Comment se déroule la procédure de cotation ?
Thierry Blot : En France, plus de 300 000 entreprises sont cotées par la Banque de France sur la base de l’analyse des comptes sociaux et consolidés et des entretiens menés avec les dirigeants. Sur la Charente-Maritime, ce sont près de 4 500 entreprises qui bénéficient d’une cotation et 400 dirigeants sont rencontrés chaque année par nos équipes pour collecter l’information qualitative indispensable. Comme je le dis à mes équipes, la Banque de France n’attribue pas une cotation à un bilan comptable, mais à une entreprise, cela fait toute la différence. La cotation est mise en œuvre à notre initiative sur la base de l’analyse financière de la liasse fiscale qui nous est transmise par la Direction Générale des Finances Publiques dans le cadre d’un accord-cadre. Puis, dans cet exercice de la cotation, nous sollicitons, en fonction du besoin et de la fréquence, un entretien avec le dirigeant de l’entreprise pour faire le bilan sur toutes les dimensions : gouvernance, stratégie, positionnement et tous les éléments utiles à la bonne appréhension du contexte et des perspectives. L’entretien se fait en toute transparence, nous sommes là pour comprendre et accompagner le chef d’entreprise.
Toutes les entreprises ne sont évidemment pas cotées de cette façon : le seuil de chiffre d’affaires qui déclenche une cotation est actuellement de 750 000 euros, il passera à 1 250 000 euros en janvier 2025. En deçà de ces seuils et en l’absence d’informations défavorables, l’entreprise bénéficie d’une cotation « neutre », ce qui correspond à un niveau que l’on peut qualifier de correct. La cotation peut également traduire la présence d’impayés ou d’autres informations. Elle est également impactée par les défauts de paiement sur les crédits bancaires. Les banques ont une obligation de signalement à la Banque de France.
L’anticipation, le dialogue avec le banquier et, si besoin, la sollicitation de nos équipes restent donc les maîtres-mots pour éviter, dans toute la mesure du possible, les incidents et une cotation dégradée. Il faut en effet rappeler que la cotation Banque de France est généralement examinée par les établissements bancaires avant d’accorder un crédit et peut influer sur les conditions du crédit (taux, garanties). Les banques peuvent aussi l’utiliser pour calculer le niveau de leurs fonds propres réglementaires.
Hervé Brethomeau : la Banque de France met-elle des outils à disposition des entreprises pour les aider dans la gestion de leur activité ?
Thierry Blot : Nous mettons à disposition des entrepreneurs un Espace dirigeant dédié qui leur permet d’accéder facilement et de manière sécurisée à toutes les informations traitées par la Banque de France sur leurs entreprises ainsi qu’à des services comme :
- la cotation de leur(s) entreprise(s)
- des indicateurs clés avec une comparaison sectorielle
- les encours de crédit
- découvrir le diagnostic financier gratuit OPALE
- faciliter leur prise de contact avec un analyste de la Banque de France et retrouver leurs documents disponibles
Tous ces services sont évidemment gratuits. L’identification se fait avec le compte France Connect du dirigeant, ce qui garantit la parfaite sécurisation de l’accès et de la consultation des différents espaces du site.
D’autres outils permettent de se tenir informé, comme, à titre d’exemple, le podcast #onparlecash qui traite des sujets d’actualités (finance verte, dette, cryptoactifs…).
Enfin, nous accueillons aussi des entrepreneurs de TPE et PME pour les orienter vers les bons interlocuteurs pour répondre à leurs besoins, et proposons aux dirigeants le portail www.mesquestionsdentrepreneur.fr qui apporte toutes les réponses utiles à la création, la gestion, le développement, la cession et la résolution des problèmes auxquels les chefs d’entreprise peuvent être confrontés.
22 rue Réaumur -17000 La Rochelle
Du lundi au vendredi :
de 09h00 à 12h00 de 13h30 à 17h00
Sur rendez-vous : au 3414 (numéro unique) ou en ligne sur https://accueil.banque-france.fr